Ulule, Kickstarter et autres fourmillent de projets plus ou moins bien ficelés, plus ou moins bien outillés pour attirer le chaland-contributeur, et lui offrant plus ou moins de goodies et autres privilèges en fonction de l’importance de son engagement. Pour que le jeu en vaille la chandelle, et que le contributeur passe à la caisse, on lui promet en effet monts et merveilles : magnets, t-shirts, éditions limitées, visite de l’usine, concert à domicile…
Ce faisant, on ne mobilise qu’une catégorie d’engagement : l’engagement financier. Qui paie le plus obtient le plus. Et pour l’engagement affectif, voire politique ? Qui paie le plus… n’a rien de plus. C’est le principe de l’abonnement ou de l’adhésion de soutien transposé au crowdfunding. C’est ainsi que l’apabiz, une association antifasciste allemande, a récemment financé via Startnext le lancement de son projet Rechtes Land, cartographie interactive des activités néonazies, des lieux de mémoire et des organismes de conseil aux victimes ((Ce que la taz a résumé par « Sag mir wo die Nazis sind » (« Dis-moi où sont les nazis »), jeu de mot sur le titre de la version allemande (« Sag mir wo die Blumen sind ») d’une chanson de Peete Seeger dont l’interprétation par Joan Baez est à tomber par terre. Bref.)). Certes, il ne s’agit pas d’une console de jeu et les sommes en… jeu n’ont rien à voir. Rechtes Land a bravement récolté 6015€, ce qui est toutefois plus que le minimum demandé (5000€), permettant de salarier deux personnes le temps de rassembler les données de base et de mettre au point une première version de la carte, d’ores et déjà accessible en bêta. Qu’est-ce qu’on gagne ? Pour 5€, le plaisir de donner un coup de main (« virtueller Händedruck »). Pour 30€, don maximum proposé, un an du journal de l’association, d’ordinaire réservé aux adhérents (cotisation minimale de 60€ par an) : c’est un cadeau, mais on reste dans des échelles très modestes. Qu’importe, si c’est ce que recherchent les initiateurs du projet… et ses supporters, qui n’accepteraient certainement pas une démarche à caractère franchement commercial.
Dans le même ordre d’idées, Martin Vidberg nous apprenait cette semaine que le site dédié au jeu de société Tric Trac adoptait, comme le font de plus en plus de journaux, un système de paywall. Payer pour pouvoir lire des articles et regarder des vidéos auparavant gratuites ? Pas tout à fait : tout l’ancien contenu reste gratuit, et les nouveaux articles et rubriques pourront être accessibles en priorité en ayant acheté des Pouicos, la monnaie interne du site. L’intérêt de la chose, c’est que, lors de sa présentation aux habitués du site, le système n’est pas encore au point. On sait combien de Pouicos on peut acheter avec combien d’euros, mais ils ne donnent pour l’instant rien : combien il faudra en dépenser pour accéder en priorité aux vidéos HD n’est pas indiqué — ni même, apparemment, connu des responsables du site. « La première fonction des Pouicos est de soutenir Tric Trac », pas de gagner des cadeaux.
Et ça marche : d’après Martin Vidberg, 700 personnes se sont abonnées le premier jour, comblant le déficit des trois mois à venir. Un miracle de l’esprit « communautaire », qui fait que certains aficionados sont prêts à faire des dons à une entreprise ? Peut-être. Un indice en tout cas qu’au-delà des discours enchanteurs sur les marques et le branding, c’est surtout le contenu qui intéresse le lecteur. Tric Trac laisse tomber ce qui le faisait vivre jusqu’à présent (la fabrication de sites pour d’autres), mais détournait de son activité principale des ressources humaines, pour ce concentrer sur le contenu de son propre site. Le lecteur lui en sait gré. On ne s’en plaindra pas, sans se bercer d’illusions non plus : devant le succès rencontré, un éditeur de jeux, qui a très certainement intérêt à l’existence d’un tel site communautaire de référence, a annoncé offrir en cadeau aux premiers souscripteurs une extension à l’un de ses jeux. Même à la marge des grands mouvements industriels du secteur, les petites initiatives font jouer les mêmes ressorts.

La campagne de recrutement — on dit « session synchronisée » — bat son plein : ouverte depuis le 26 février, elle se refermera le 28 mars. La liste complète des postes disponibles est en ligne ici. L’année dernière, je pestais que si peu d’universités permettent l’envoi de dossiers électroniques. Chaque dossier devant être adressé au jury en triple exemplaire, et on espère suivi de publications pour l’audition, la facture de photocopies et timbres grimpe vite — pas de chiffres, désolé, pas eu le courage de tout bien noter. Cette année, ça va mieux : sur les six candidatures que je poste, quatre sont électroniques. Depuis Istanbul, j’apprécie.
Quand on déclare une candidature dans Galaxie, l’application du ministère, on remplit tout un tas de champs : identité, titre de la thèse et date de soutenance, quelques lignes sur les publications et l’enseignement. Bref, on fournit un résumé de la candidature, qui est la première pièce à verser au dossier, et à laquelle s’ajoutent le CV détaillé, les copies du doctorat, de la carte d’identité et du rapport de soutenance.
Ici, on pourrait imaginer une procédure de signature électronique de la déclaration de candidature : après tout, ça fonctionne très bien pour les impôts. Mais non : elle doit être imprimée, puis datée et signée à la main et, si le dossier électronique est possible, scannée et convertie en PDF pour être ensuite téléchargée dans l’application de chaque université où l’on postule.
Oui : dans l’application de chaque université. Tout le monde n’a pas la même. Ce qui fait qu’il y en a de meilleures que d’autres. Celle de Paris 8 et Paris 13 est un modèle d’ergonomie ratée, tandis que celle de l’Université de Lorraine est simple, claire et efficace. Dans la première, un fouillis de cadres à partir desquels on ouvre des dossiers puis fait apparaître des popups dans lesquels il faut donner un titre à chaque fichier téléchargé, sans que la liste légale soit reprise nulle part. Dans la seconde, une simple fenêtre avec la liste des pièces à charger : on clique sur celle qu’on veut envoyer, on choisit son fichier, ça charge, l’item disparaît de la liste, et hop. Quand on a fini, on peut soit corriger, soit cliquer sur le bouton idoine afin que les services compétents vérifient que le dossier est recevable.
Pour P8 et P13, personne ne sait que vous avez déposé les pièces. Je l’ai fait en même temps il y a deux jours. Dans Galaxie, je vois que mon dossier pour P13 est déjà noté comme recevable, mais rien pour P8. L’ironie de l’histoire, c’est que je continue de recevoir des mails automatiques de P13 m’avertissant de la date limite pour envoyer les pièces, mais plus de P8.
Bien que ces applications soient différentes, elles sont d’une manière ou d’une autre reliées à Galaxie, puisqu’un mot de passe est envoyé automatiquement au candidat, et que l’application sait sur quel poste on candidate, ce qui est bien le moins. Mais ça ne va pas plus loin. Donc certaines facs demandent, en plus des pièces légales, de remplir une fiche qui reprend, sous une autre forme, les renseignements déjà donnés à Galaxie pour la déclaration de candidature. Pourquoi ? Mystère… les esprits mal tournés craindront que les rapporteurs n’en profitent pour éviter de lire les dossiers de candidature. Difficile de ne pas y penser, puisqu’à la fin de cette fiche, un espace est justement prévu pour l’avis des rapporteurs… C’est certainement un mauvais procès — à toutes mes auditions, les questions posées montraient que le dossier avait été lu —, mais je ne vois guère l’intérêt de cette paperasse numérique supplémentaire. D’autant qu’il s’agit d’un document Word, à rendre obligatoirement en format Word. Un document modifiable, donc. Qui sert de résumé à sa candidature. Bonjour la sécurité. Il reste quelques progrès à faire dans la gestion des candidatures électroniques.

Galatasaray Üniversitesi

Galatasaray Üniversitesi (photo Helge Høifød, CC BY-SA, source Wikipédia)


Étrange rentrée… Le second semestre de cette année à Galatasaray m’apparaît comme coupé en deux. Pas seulement parce que l’université elle-même est coupée en deux par l’avenue Çırağan, une partie de son campus bercée par les flots du Bosphore et l’autre grimpant à l’assaut de la colline de Yıldız. Coupée en deux parce que, si les cours ont repris dans les salles habituelles, une bonne partie des bureaux a elle été détruite lors d’un incendie, survenu le 22 janvier. Très violent incendie qui a emporté la totalité de l’étage supérieur du bâtiment principal de l’université, l’ancien palais Feriye, et ravagé une partie des deux autres niveaux, désormais inaccessibles.
L’accident ne fait guère de doute, les rumeurs d’installation d’un hôtel de luxe en lieu et place de l’université ne semblent pour une fois pas fondées et, surtout, il n’y a pas eu de blessés. Mais beaucoup d’archives, de livres et de souvenirs perdus. L’université Galatasaray est très jeune, puisqu’elle a ouvert en 1992, mais ses bâtiments ont précédemment accueilli l’internat des filles du lycée du même nom. Une collègue me racontait ainsi avoir dormi dans ce bâtiment pendant ses années de lycée, avant de revenir y installer son bureau quand elle est devenue enseignante à l’université. Difficile de passer désormais devant sa ruine tous les jours.
Galatasaray Üniversitesi — après l’incendie du 22 janvier 2013 (photo DHA)

Galatasaray Üniversitesi — après l’incendie du 22 janvier 2013 (photo DHA)

De nouveaux écrivains et musiciens entreront en 2013 dans le domaine public, mais aussi des œuvres architecturales comme celles d’Hector Guimard (photo Peter Clericuzio, Wikipédia via SavoirsCom1).

De nouveaux écrivains et musiciens entreront en 2013 dans le domaine public, mais aussi des œuvres architecturales comme celles d’Hector Guimard (photo Peter Clericuzio, Wikipédia via SavoirsCom1).


Les fêtes de Noël étant terminées, chacun a remisé son calendrier de l’Avent vide de chocolats, et pense plutôt à manger un peu de soupe et de salade pour se refaire un estomac avant le prochain réveillon… qui arrive à grand pas. Mais il est un autre calendrier de l’Avent qui recèle des pépites autres qu’alimentaires, parfaitement digérables en tout temps. Ce calendrier a de plus le bon goût de se terminer plus tard que le traditionnel-chocolaté. Depuis le 1er décembre en effet, et jusqu’au 31 inclus, on peut découvrir chaque jour chez SavoirsCom1 le nom d’un auteur dont l’œuvre, le 1er janvier 2013, tombera dans le domaine public.
Tombera ? Hé non : s’élèvera, dit-on chez SavoirsCom1 — c’est notamment précisé dès la première phrase de la première fiche, consacrée à Robert Musil. La nuance entre le vocable journalistique habituel et la terminologie militante est de taille, et mérite à mon avis d’être relevée. Car le domaine public n’est pas une tombe où enterrer des œuvres destinées à sombrer dans l’oubli, mais bien une source de richesse pour les créateurs et le public d’aujourd’hui et de demain. En ce sens, entrer dans le domaine public n’est pas un désagrément (sauf pour quelques éditeurs plus soucieux de rente que culture), mais au contraire une promesse de partage pour tous.

Maître de conférences à l'IEP de Rennes et membre du Crape, Roselyne Ringoot travaille depuis longtemps sur l'analyse du discours et le journalisme — au moins depuis sa thèse, consacrée aux discours journalistiques sur le printemps chinois de 1989 et soutenue en 1995. Elle a depuis régulièrement publié sur la question, proposant notamment une très pertinente méthodologie d'analyse du discours de presse, dans un livre sur L'Analyse de discours (2004, Apogée, codirection avec Philippe Robert-Demontrond). Elle y posait la nécessité de relier toute analyse de presse à une étude de la ligne éditoriale des journaux considérés. La ligne éditoriale n'étant pas vue, comme il en est d'usage, comme la somme des déclarations des journalistes et éditeurs à propos de leur journal, mais bien comme le résultat des différentes opérations d'édition : comme ce qui est donné à lire au lecteur. De là l'intérêt, pour comprendre le discours sur un événement particulier, à le mettre en perspective avec le « discours moyen » ((Le terme n'est pas très heureux, il est de moi.)) du journal avant de comparer les journaux entre eux.
Parmi les autres publications de Roselyne Ringoot, signalons aussi deux ouvrages collectifs issus des travaux du Réseau d'études sur le journalisme : Inform@ation.local, Le paysage médiatique régional à l'ère électronique (2002, L'Harmattan, codirection avec Béatrice Damian, Denis Ruellan et Daniel Thierry) ((Pas de lien chez l'éditeur, dont le livre a disparu du catalogue : à quand une réédition en numérique ?)), Le Journalisme en invention (2006, PUR, codirection avec Jean-Michel Utard) ; ainsi que, toujours avec Jean-Michel Utard, un livre qui fait le point sur Les genres journalistiques (2009, L'Harmattan).
Bref : il ne s'agit pas ici de faire une biblio complète (je vous laisse chercher les articles !), mais de signaler que Roselyne Ringoot soutiendra son Habilitation à diriger les recherches le 3 décembre. Je ne pourrai pas y assister, mais ce sera certainement très intéressant. En voici le résumé :

Habilitation à diriger des recherches en Sciences de l'information et de la communication
Roselyne Ringoot
Maître de conférences à l'Institut d'études politiques de Rennes, Centre de Recherches sur l'Action Politique en Europe, UMR 6051
Lundi 3 décembre 2012, Salle du Conseil de l' IEP de Rennes, à 15h
Garant : Dominique Maingueneau, Professeur à l'Université Paris-Sorbonne
Le journalisme entre auctorialité et discours
Le journal auteur collectif et la profession auteur générique, le discours et la discursivité journalistiques
Jury
Jean Charron, Professeur en Sciences de l'information et de la communication, Université de Laval-Québec (rapporteur)
Dominique Maingueneau, Professeur en Sciences du langage, Université de Paris 4
Caroline Ollivier-Yaniv, Professeure en Sciences de l'information et de la communication, Université de Paris 12 (rapporteure)
Denis Ruellan, Professeur en Sciences de l'information et de la communication, Université de Rennes 1
Jean-François Tétu, Professeur émérite en Sciences de l'information et de la communication, Institut d'études politiques de Lyon (rapporteur)
Résumé
En problématisant le journalisme par l'auctorialité, il s'agit d'ouvrir de nouveaux pans de recherche dans les études sur le journalisme au sein desquelles l'auteur est circonscrit à la dimension juridique, ainsi que dans le domaine spécifique de l'analyse du discours journalistique, duquel l'auteur est quasi absent. La première partie de ce travail d'HDR concerne l'auctorialité collective du journal articulée à l'identité éditoriale. Le journal, forme première du journalisme qui perdure dans tous les supports médiatiques y compris les plus récents (le web, les tablettes, les applications mobiles), est envisagé en tant qu'auteur collectif. La seconde partie appréhende les cadres du discours journalistique et du discours des journalistes qui instruisent la professionnalité. S'il s'agit là aussi d'une forme collective de l'auctorialité, elle se différencie de la précédente et s'analyse à partir d'autres productions dont celles des théories indigènes de l'écriture journalistique. En traitant la question de l'éthos journalistique, je considère la profession en tant qu'auteur générique. La troisième et dernière partie porte sur la conceptualisation du journalisme par le discours, travaillée notamment à partir des concepts foucaldiens de formation discursive et de dispersion. Situant l'autorité et la légitimité de la parole journalistique dans l'espace public en fonction de discours connexes, j'interroge l'instauration de l'auctorialité spécifique au journalisme.
Les livres journalistiques, qui ont impulsé cette problématisation et qui constituent l'objet de mes recherches en cours et à venir, condensent et diversifient les interrogations portant sur la discursivité du journalisme. Pour autant, je n'associe pas la prolifération des livres journalistiques à une revanche supposée des journalistes qui seraient obnubilés par l'annexion d'un territoire a priori réservé à d'autres qu'eux, plus aptes à remplir les conditions d'une auctorialité de prestige liée à la production d'une œuvre. La banalisation des livres journalistiques semble davantage liée à une revendication décomplexée d'un statut d'auteur journaliste, motivée par un enjeu professionnel qui consiste à intégrer le livre dans le périmètre des savoir faire du métier. Aujourd'hui produit périssable conçu dans des stratégies d'édition, le livre fait l'objet d' une planification à court ou moyen terme et d'une diffusion soumise à la logique événementielle. Dans cette perspective, le livre ne déroge pas à l'ordre du discours journalistique et à sa dispersion, il recompose en revanche les modalités auctoriales du journalisme, entre auteur individué, auteur collectif et auteur générique.

En y réfléchissant, je suis déjà tombé sur ce fameux ((Les Allemands ont un mot particulier pour ce contexte : berüchtigt, qui signifie quelque chose comme « négativement fameux », mais en plus savoureux que notre « tristement célèbre ».))  site qui fait tant parler de lui ces derniers temps, j'ai nommé Refdoc (INIST, unité du CNRS). Au hasard d'une recherche sur internet, pour retrouver une référence ou consulter un article, je ne sais plus. Arrivé sur le site, l'étonnement : c'est présenté comme une base de données de références, mais on se rend vite compte que l'objectif premier est de vendre, qui plus est fort cher, des photocopies d'articles. Un peu énervé et dérouté, j'avais fermé l'onglet et rapidement classé Refdoc quelque part dans le coin de ma tête où se situe la rubrique « Même si ce site remonte dans une recherche sur ton moteur préféré, passe ton chemin sans cliquer. » Je dois donc faire partie de ces milliers de chercheurs qui ne s'étaient pas posé plus de questions que ça à propos de Refdoc. J'avais tort.
Heureusement qu'Olivier Ertzscheid est venu nous secouer les puces ce lundi 1er octobre, en publiant une salutaire et énervée Lettre à l'INIST, qui remet en avant une question qui m'avait échappé (voir plus haut), mais qui n'est malheureusement pas nouvelle. Je cite ci-dessous Rémi Mathis, qui résume fort bien la situation (l'histoire complète étant à lire dans son billet) :

« Une unité du CNRS, l’INIST, vend à un prix démesuré (jusqu’à plus de 50 euros) des articles scientifiques par ailleurs souvent disponibles de manière libre et gratuite. Elle a été condamnée pour ce fait et n’ignore rien de l’illégalité du procédé. Elle continue pourtant, à l’encontre de la volonté de la communauté des chercheurs. Nous appelons à un arrêt de ces pratiques qui vont à l’encontre de l’open access, par ailleurs prêché (à raison) par le même CNRS. »

Ça fait froid dans le dos, hérisse le poil et fait bondir au plafond ! Et puisque les SIC sont interdisciplinaires, ajoutons à l'histoire un peu de droit : Lionel Maurel/Calimaq explique ici très bien que les pratiques de l'INIST posent deux problèmes :

  • D'une part parce que l'INIST vend des photocopies d'articles de revue sans que jamais l'autorisation des auteurs, pourtant requise par la loi, n'ait été demandée. L'INIST sait parfaitement que c'est illégal, mais s'asseoit tranquillement sur la décision de justice et fait comme si de rien n'était.
  • D'autre part parce qu'un certain nombre des articles proposés à la vente par Refdoc est disponible ailleurs en accès libre, notamment sur HAL (autre initiative du CNRS), mais pas seulement. Et que l'INIST se garde bien de le faire savoir à ses potentiels clients.

Faites donc l'expérience : recherchez votre nom dans la base de données Refdoc, et faites le compte. En ce qui me concerne, deux articles, dont un est effectivement disponible sur HAL. On peut même les commander en photocopie couleur (ce qui coûte alors plus cher que le numéro entier de la revue papier…), alors qu'ils sont parus à l'origine en noir et blanc. Magie de l'entourloupe institutionnalisée ! Scandale juridique et scientifique, surtout.
Alors, qu'est-ce qu'on fait ? On ferme son navigateur, on reprend son calame et sa tablette d'argile en attendant que la tempête passe ? C'est ce qu'a l'air de faire l'INIST, qui n'entend pas les chercheurs gronder, et fait de nouveau comme si de rien n'était (ou presque, mais c'est pire). Non, ce qu'il faut faire, c'est retenir les résultats de la recherche sur Refdoc, et demander le retrait des articles concernés ici, sur cette page du site SavoirsCom1 ((Poussé par cette vague de soutien à une diffusion large et gratuite des productions scientifiques, on peut aussi en profiter pour lire, et signer, le Manifeste de SavoirsCom1.)). Puis en profiter pour signer la pétition. Et se tenir prêt à montrer à l'INIST de quel bois on se chauffe, au cas où ça ne suffirait pas…

Mon bureau le 28 août 2012 (nombre d’epub = 0)

Mon bureau le 28 août 2012 (nombre d’epub = 0)


Cela fait des mois que François Bon entretient le suspense sur Tiers Livre, mais cette fois ça y est, c’est parti : Publie.net, la maison d’édition de littérature contemporaine en format numérique qu’il a initiée, se dote d’une sœur jumelle, Publie.papier, qui propose la même littérature, mais sur papier. Avec quelques innovations de bon goût, et notamment le téléchargement gratuit de la version epub pour tout achat du livre en papier. Pour jouir des usages complémentaires, pour le plaisir d’offrir l’une ou l’autre version, ou tout simplement parce que ça paraît tellement naturel, aujourd’hui, de pouvoir disposer des deux versions sans payer deux fois ni être enchaîné à de stupides DRM.
Bref, je ne détaille pas : Bon le fait très bien ici. Et il complète là, avec quelques images des premiers ouvrages. Des changements fondamentaux sont en train de se produire dans nos manières de lire, et ce sont les petits qui les impulsent. Ici, la littérature est devant. Et les sciences ? Quand aura-t-on enfin une offre décente au format epub ? Sur mon bureau s’entassent les piles de livres qui me servent à préparer ma rentrée à l’Université Galatasaray d’Istanbul : il va vraiment falloir que je mette tout ça dans l’avion ? Ben oui : s’il est heureusement possible d’avoir accès à une belle sélection de revues en ligne, au format html ou PDF (sur revues.org, Persée ou Cairn via l’abonnement de sa BU), pour les bouquins qui ne sont pas encore « tombés » dans le domaine public (voir l’excellent travail des Classiques des sciences sociales), tu peux te brosser. Ou alors acheter des PDF pleins de DRM quasiment au même prix que le papier : une honte. Soit les éditeurs se bougent, soit nous allons devoir nous y mettre…
Eliseo Veron, 1981. Construire l’événement, Paris : Éditions de Minuit.

Eliseo Veron, 1981. Construire l’événement, Paris : Éditions de Minuit. Un classique, cité dans toutes les bibliographies qui s’intéressent aux discours journalistiques. Mais ne le cherchez pas sur le site de l’éditeur : il n’est plus au catalogue. Acheté donc d’occasion sur internet (15€+2€ de port). Et si j’avais pu le trouver en epub à 4 ou 5€, l’auteur en eut-il été floué ?

(oui, le titre de ce billet est un peu facile, mais on est au mois d’août, on se détend)
[MàJ février 2018 : ma thèse est désormais accessible | lire les commentaires pour précisions]
La lecture de ce billet de Daniel Bourrion m’a fait me replonger dans mes archives et ça y est, j’ai retrouvé le contrat de diffusion commerciale de ma thèse. Entre autres formalités qui accompagnent le dépôt de sa thèse en vue de sa soutenance, on doit en effet dire si l’on accepte que l’Atelier national de reproduction des thèses (ANRT) la diffuse sous forme de microfilm (et, désormais, l’imprime à la demande). J’ai donc signé cet accord, et même deux fois : lors du dépôt de ma thèse, et quelques mois après avoir soutenu, lorsqu’on m’a renvoyé un contrat par mail, comme s’il ne s’était rien passé. J’ai en même temps déposé ma thèse en archive ouverte, et bien m’en a pris.
Aujourd’hui, je ne la trouve en effet ni sur le site de l’ANRT (où, au vu des tarifs pratiqués, personne n’irait de toute façon l’acheter), ni sur theses.fr (alors que j’étais pourtant bien référencé dans le Fichier central des thèses qui a précédé ce site), ni sur le site de Paris 8, où j’avais également approuvé sa diffusion. Vive donc l’open access, et à quand une prise en compte de ses enjeux dans la formation doctorale ? (J’aime notamment la proposition, sur le Livre blanc des thèses, de la mise en place d’une plateforme de rédaction de thèse en ligne.)
Ci-dessous, pour mémoire et archivage, le contrat que j’ai signé :

recto

AUTORISATION DE DIFFUSION DE TYPE "COMMERCIAL"
Je soussigné(e) M., Mme ou Mlle
demeurant
Auteur de la thèse intitulée :
Déclare avoir pris connaissance des modalités énumérées au dos et autorise l’Atelier national de reproduction des thèses :

  • de l’Université de Grenoble II (pour les thèses de gestion, d’économie, de sciences exactes, de pharmacie et d’odontologie).
  • ou de l’Université de Lille III (pour les thèses de lettres, théologie, sciences humaines, sociales et politiques, droit).

à éditer ma thèse sous la forme matérielle de microfiches et aux fins d’une diffusion de type commercial.
Fait à Saint-Denis, le
Signature de l’auteur de la thèse, précédée de la mention manuscrite "lu et approuvé"

verso

AUTORISATION DE DIFFUSION DE TYPE "COMMERCIAL"
1) Cette autorisation s’applique à l’ensemble des opérations nécessaires à l’édition micrographique : reproduction, catalogage et signalement, promotion et diffusion. L’Atelier national de reproduction des thèses est autorisé en particulier à engager toutes les actions relevant de la diffusion : vente directe, signature d’accords de distribution, etc.
2) L’Atelier effectuera gracieusement les activités d’édition mentionnées au premier alinéa. Aucune contrepartie financière ne peut être demandée à l’auteur.
3) S’agissant des droits d’auteur :

  • si le total des commandes concernant la thèse est supérieur ou égal à sept exemplaires sur sur l’année, la cession des droits de reproduction s’effectue à titre onéreux. Les droits d’auteur sont fixés à 10 % du prix de vente final, quelle que soit la procédure adoptée ;
  • si le total des commandes concernant la thèse est inférieur à sept exemplaires sur l’année la cession des droits de reproduction s’effectue à titre gratuit. Aucun droit d’auteur ne versé.

4) L’Atelier s’efforce, dans la mesure du possible, de faire porter l’accord de distribution ou de diffusion sur une série minimale de sept exemplaires.
5) La présente autorisation de diffusion est valable pour un an et renouvelable par tacite reconduction. L’auteur ou l’ayant droit peut faire interrompre immédiatement l’édition sur microfiches de sa thèse dans le seul cas où, ayant signé un contrat d’édition "sur papier" - il enverra alors une copie de ce contrat d’édition à l’Atelier ainsi qu’une lettre interrompant l’autorisation de diffusion - il considère que la vente de sa thèse sous forme de micro-fiches serait préjudiciable à la commercialisation de l’ouvrage.

 
 

Galatasaray Üniversitesi - principe du logoAprès être passé près du gros lot deux fois de suite,
Après avoir épluché la réglementation sur les charges de cours,
Après avoir conclu qu’il me fallait enseigner dans le secondaire si je voulais avoir la possibilité d’enseigner dans le supérieur,
Après avoir envoyé des candidatures un peu partout (lycées publics, privés, agricoles, organismes de formation pour adultes),
Après avoir passé deux semaines de vacances loin de ces préoccupations, mais pas trop loin d’une connexion internet quand même,
Après m’être demandé ce que j’allais faire si par malheur on me proposait un poste de prof d’histoire-géo à plein temps dans un collège, et rien que ça,
Après m’être dit : « On verra bien, fais-toi plutôt un plan de travail pour l’été, il faut que tu avances dans ton projet de bouquin »,
Voilà que je reçois un coup de fil.
Je suis classé premier sur un poste d’enseignant-chercheur non titulaire à l’Université Galatasaray d’Istanbul. Contrat de deux ans renouvelable une fois, spécialement destiné aux docteurs cherchant un poste de maître de conférences. Dans une université publique turque, et francophone. Plus précisément : une faculté de communication avec une spécialité journalisme. Cours pratiques et théoriques. Tout ce que je cherche. Cela bouscule un peu nos plans (que va faire Céline ? Et Gaspard, qui fait sa rentrée en petite section de maternelle dans un mois et demi ?). Mais c’est diablement intéressant, excitant, motivant. On m’a donné cinq jours pour réfléchir. On discute deux jours, ça suffit pour la décision. Le reste, on avisera.
Je commande une méthode de turc.
Direction Istanbul !