Maître de conférences à l'IEP de Rennes et membre du Crape, Roselyne Ringoot travaille depuis longtemps sur l'analyse du discours et le journalisme — au moins depuis sa thèse, consacrée aux discours journalistiques sur le printemps chinois de 1989 et soutenue en 1995. Elle a depuis régulièrement publié sur la question, proposant notamment une très pertinente méthodologie d'analyse du discours de presse, dans un livre sur L'Analyse de discours (2004, Apogée, codirection avec Philippe Robert-Demontrond). Elle y posait la nécessité de relier toute analyse de presse à une étude de la ligne éditoriale des journaux considérés. La ligne éditoriale n'étant pas vue, comme il en est d'usage, comme la somme des déclarations des journalistes et éditeurs à propos de leur journal, mais bien comme le résultat des différentes opérations d'édition : comme ce qui est donné à lire au lecteur. De là l'intérêt, pour comprendre le discours sur un événement particulier, à le mettre en perspective avec le « discours moyen » ((Le terme n'est pas très heureux, il est de moi.)) du journal avant de comparer les journaux entre eux.
Parmi les autres publications de Roselyne Ringoot, signalons aussi deux ouvrages collectifs issus des travaux du Réseau d'études sur le journalisme : Inform@ation.local, Le paysage médiatique régional à l'ère électronique (2002, L'Harmattan, codirection avec Béatrice Damian, Denis Ruellan et Daniel Thierry) ((Pas de lien chez l'éditeur, dont le livre a disparu du catalogue : à quand une réédition en numérique ?)), Le Journalisme en invention (2006, PUR, codirection avec Jean-Michel Utard) ; ainsi que, toujours avec Jean-Michel Utard, un livre qui fait le point sur Les genres journalistiques (2009, L'Harmattan).
Bref : il ne s'agit pas ici de faire une biblio complète (je vous laisse chercher les articles !), mais de signaler que Roselyne Ringoot soutiendra son Habilitation à diriger les recherches le 3 décembre. Je ne pourrai pas y assister, mais ce sera certainement très intéressant. En voici le résumé :
Habilitation à diriger des recherches en Sciences de l'information et de la communication
Roselyne Ringoot
Maître de conférences à l'Institut d'études politiques de Rennes, Centre de Recherches sur l'Action Politique en Europe, UMR 6051
Lundi 3 décembre 2012, Salle du Conseil de l' IEP de Rennes, à 15h
Garant : Dominique Maingueneau, Professeur à l'Université Paris-Sorbonne
Le journalisme entre auctorialité et discours
Le journal auteur collectif et la profession auteur générique, le discours et la discursivité journalistiques
Jury
Jean Charron, Professeur en Sciences de l'information et de la communication, Université de Laval-Québec (rapporteur)
Dominique Maingueneau, Professeur en Sciences du langage, Université de Paris 4
Caroline Ollivier-Yaniv, Professeure en Sciences de l'information et de la communication, Université de Paris 12 (rapporteure)
Denis Ruellan, Professeur en Sciences de l'information et de la communication, Université de Rennes 1
Jean-François Tétu, Professeur émérite en Sciences de l'information et de la communication, Institut d'études politiques de Lyon (rapporteur)
Résumé
En problématisant le journalisme par l'auctorialité, il s'agit d'ouvrir de nouveaux pans de recherche dans les études sur le journalisme au sein desquelles l'auteur est circonscrit à la dimension juridique, ainsi que dans le domaine spécifique de l'analyse du discours journalistique, duquel l'auteur est quasi absent. La première partie de ce travail d'HDR concerne l'auctorialité collective du journal articulée à l'identité éditoriale. Le journal, forme première du journalisme qui perdure dans tous les supports médiatiques y compris les plus récents (le web, les tablettes, les applications mobiles), est envisagé en tant qu'auteur collectif. La seconde partie appréhende les cadres du discours journalistique et du discours des journalistes qui instruisent la professionnalité. S'il s'agit là aussi d'une forme collective de l'auctorialité, elle se différencie de la précédente et s'analyse à partir d'autres productions dont celles des théories indigènes de l'écriture journalistique. En traitant la question de l'éthos journalistique, je considère la profession en tant qu'auteur générique. La troisième et dernière partie porte sur la conceptualisation du journalisme par le discours, travaillée notamment à partir des concepts foucaldiens de formation discursive et de dispersion. Situant l'autorité et la légitimité de la parole journalistique dans l'espace public en fonction de discours connexes, j'interroge l'instauration de l'auctorialité spécifique au journalisme.
Les livres journalistiques, qui ont impulsé cette problématisation et qui constituent l'objet de mes recherches en cours et à venir, condensent et diversifient les interrogations portant sur la discursivité du journalisme. Pour autant, je n'associe pas la prolifération des livres journalistiques à une revanche supposée des journalistes qui seraient obnubilés par l'annexion d'un territoire a priori réservé à d'autres qu'eux, plus aptes à remplir les conditions d'une auctorialité de prestige liée à la production d'une œuvre. La banalisation des livres journalistiques semble davantage liée à une revendication décomplexée d'un statut d'auteur journaliste, motivée par un enjeu professionnel qui consiste à intégrer le livre dans le périmètre des savoir faire du métier. Aujourd'hui produit périssable conçu dans des stratégies d'édition, le livre fait l'objet d' une planification à court ou moyen terme et d'une diffusion soumise à la logique événementielle. Dans cette perspective, le livre ne déroge pas à l'ordre du discours journalistique et à sa dispersion, il recompose en revanche les modalités auctoriales du journalisme, entre auteur individué, auteur collectif et auteur générique.