20 ans, 41 numéros : Questions de communication fête une nouvelle décennie avec un volume d’anthologie. Au sens de « qui fera date », du moins espérons-le, pas au sens de best-of, ce qui n’est pas l’esprit de la revue, qui avait déjà célébré ses dix ans avec un exercice similaire. Plutôt que de bilan, il s’agit d’ouvrir le débat. Choisir dix questions croisant actualité et perspectives communicationnelles, leur apporter vingt réponses et des mises en perspective qui n’ont pas vocation à l’exhaustivité, mais au contraire à susciter la discussion.

Isabelle Garcin-Marrou et moi nous sommes occupés du premier chapitre de ce numéro, consacré aux discriminations et violences. Nous avons invité Erik Bleich (Middlebury College), qui analyse la couverture médiatique française du mouvement Black Lives Matter, et Ulrike Lune Riboni (Paris 8) qui, à partir de ses recherches sur les usages de la vidéo en contexte révolutionnaire, les pratiques de riot porn et la dénonciation des violences policières, critique la notion de « vidéo-activisme » pour lui préférer une étude des « mécanismes de politisation des images ».

Nous introduisons ces deux articles par une réflexion sur la présence des luttes sociales contemporaines dans les médias, en mettant les apports de Bleich et Riboni en lien avec d’autres recherches interrogeant, notamment dans une perspective intersectionnelle, les revendications de classe, de genre ou de race, ou encore les luttes environnementales. Nous procédons en trois temps, examinant d’abord les processus de légitimation des acteur·rices à l’origine des luttes et revendications, puis la manière dont leurs discours sont accueillis par les médias installés, et enfin le possible enrichissement des répertoires d’action collective auquel ils donnent lieu.

Tout ceci est évidemment à lire dans les pages de la revue, qui est bien sûr toujours disponible en papier… mais surtout, depuis ce numéro, la version en ligne est en accès libre intégral et sans barrière mobile ! Vous pouvez même choisir votre plateforme : OpenEdition Journals ou Cairn. Questions de communication n’a jamais eu autant de lecteur·ices, et on espère bien que ça va continuer longtemps !

Financement participatif : les nouveaux territoires du capitalisme (couverture du livre)

Il est sorti ! Après trois ans et demi de recherches sur trois continents, et un beau colloque international de clôture à Metz l'an passé, l'ouvrage Financement participatif : les nouveaux territoires du capitalisme vient de paraître dans la série Actes de Questions de communication.

C'est l'aboutissement du programme de recherche Collab, financé par l'ANR et consacré au crowdfunding dans les industries culturelles. Le programme était dirigé par Vincent Rouzé (Paris 8, Cemti), secondé pour les axes de travail par Marc Kaiser (Paris 8, Cemti), Jacob Matthews (Paris 8, Cemti) et moi-même (Université de Lorraine, Crem). Stéphane Costantini (Paris 13, LabSIC) nous a accompagnés comme post-doctorant. Et nous nous y sommes mis tous les cinq pour diriger l'ouvrage. Tiré du colloque, il reprend des travaux de l'équipe Collab ainsi que des contributions d'autres chercheurs.

Au menu : tenter d'aller plus loin que les discours séduisants sur une revitalisation démocratique du financement de la culture. Suffit-il d'en appeler au peuple pour pallier le retrait progressif de l'État et des acteurs industriels ? Les logiques à l'œuvre rompent-elles vraiment avec ce qu'il est bien souvent commode de qualifier d'« ancien monde» ?

« L'idéal de la participation à l'épreuve des logiques capitalistes » : c'est le titre de l'introduction, et c'est en effet tout un programme… (photo Crem)
« L'idéal de la participation à l'épreuve des logiques capitalistes » : c'est le titre de l'introduction, et c'est en effet tout un programme… (photo Crem)

Financer la culture « sans intermédiaire », en donnant à tous les projets les mêmes chances de réussite: depuis une dizaine d'années, le financement participatif (ou crowdfunding, ou sociofinancement au Québec) est présenté comme le moyen qui permettra à la sagesse des foules de renouveler démocratiquement des industries en difficulté. Au-delà des discours prosélytes et laudatifs, que l'on retrouve aussi bien dans les médias que dans une littérature scientifique dominée par des guides de bonnes pratiques plutôt que par des analyses distanciées et critiques, les textes réunis replacent le financement participatif dans les évolutions contemporaines du capitalisme.

En voici le sommaire complet. Bonne lecture ! Et merci à tou·te·s les auteurs·ices, ainsi qu'au studio Edicom du Crem et en particulier à Rudy Hahusseau pour le suivi éditorial et la mise en pages… en couleurs, s'il vous plaît !

Sommaire

Présentation

  • Loïc Ballarini, Stéphane Costantini, Marc Kaiser, Jacob Matthews, Vincent Rouzé – L'idéal de la participation à l'épreuve des logiques capitalistes
  • Vincent Rouzé – Les plateformes de financement participatif culturel : l'avenir de la culture ?

1. Crowdfunding, communautés et expérience

  • D. E. Wittkower – For Love and Money: Community and the Ethics of Care in Crowdfunding
  • Caterina Foà, Chiara Moltrasio – Crowdfunding and Networked Platforms Exploring Col-labor-ation and Mediation for Value-Creation in Portuguese Crowdfunding Ecosystem
  • Sébastien Appiotti – Les usages du crowdfunding en contexte patrimonial (États-Unis/France). Vers une injonction transverse à la participation ?
  • Christiaan De Beukelaer, Kim-Marie Spence – Cinq perspectives sur l'économie culturelle mondiale

2. Économie politique du journalisme à l'heure du financement participatif

  • Franck Rebillard – Le financement de la presse et de l'information en ligne en France. Évolution et enjeux
  • Loïc Ballarini, Emmanuel Marty, Nikos Smyrnaios – Médias français : le financement participatif au service du pluralisme ?
  • Anne-Marie Brunelle, Michel Sénécal – Financement participatif : un apport significatif pour les médias associatifs et indépendants québécois ?

3. Le financement participatif face aux territoires et au patrimoine

  • Arnaud Anciaux, Philippe-Antoine Lupien – Au-delà du financement et du participatif. Les enjeux hors des objectifs assignés ou revendiqués par les plateformes
  • Gaëlle Crenn – Les territoires du crowdfunding muséal. Attachement patrimonial et rapports au territoire dans les opérations de crowdfunding muséal en France
  • Éric George, Simon Claus – Le financement participatif au Canada. Ce que nous enseigne l'analyse des pages d'accueil des plateformes

4. Crowdfunding : une alternative ?

  • Stéphane Costantini – Le financement participatif en Afrique subsaharienne. Porteur d'alternatives aux modèles dominants ou vecteur de déploiement des plateformes occidentales ?
  • David Z. Gehring – Industry, Values, and the Community Ethos of Crowdfunding within Neoliberal Capitalism. The Economic and Cultural Negotiations of Crowdfunding Campaigns
  • Jacob Matthews – Crowdfunding culturel : « There is no alternative »

Postface

  • David Pucheu – Le crowdfunding ou la glorification de la culture par projets

Très heureux d'intervenir ce matin au Regroupement annuel des professeur·e·s documentalistes de l'académie de Reims, à l'invitation de Valérie Scholtès (merci !). Voici ma présentation, à retrouver également ici pour le plein écran

On navigue avec les flèches en bas à droite (ou avec le clavier), d'abord de haut en bas puis de gauche à droite. Vue d'ensemble avec O, retour avec Échapp.

Retour vers le futur - « A portable television studio. »Très heureux d'avoir été sollicité par la revue Médiadoc pour un texte de synthèse sur les évolutions contemporaines du journalisme. Médiadoc est éditée par l'Association des professeurs documentalistes de l'Éducation nationale (APDEN) : merci à elle, et en particulier à Gildas Dimier, qui a supporté mes retards avec bienveillance, a été un relecteur attentif et a sélectionné les exemples d'activités pédagogiques qui accompagnent le papier.
Mon article s'appelle donc « Médias en crise, journalisme en réinvention ». Il est au sommaire du numéro 19 de Médiadoc ainsi qu'en libre consultation et téléchargement sur le site de la revue. Ce billet en reprend la bibliographie et la complète de références qui n'apparaissent pas dans l'article, principalement pour des raisons de lisibilité (il y a déjà trop de notes de bas de page), mais aussi de choix (on ne peut évidemment pas tout dire en un papier). Puisqu'elles ont nourri les réflexions ayant conduit à son écriture, les voici en partage.
(note : cette bibliographie est évidemment loin d'être exhaustive et est appelée à évoluer dans le temps ; des références scientifiques et journalistiques y sont mêlées)
(mis à jour le 3 janvier 2018 pour la parution de la revue)

Médias et information médiatique

Cagé Julia et Godechot Olivier (dir.), 2017. The Media Independence Project. Who Owns the Media?, SciencesPo/Reporters sans frontières.
Cagé Julia, Hervé Nicolas et Viaud Marie-Luce, 2017. L'Information à tout prix, Paris : INA éditions, coll. « Médias et humanités », 170 p.
Eustache Sophie et Trochet Jessica, 2017. « De l’information au piège à clics. Ce qui se cache derrière Melty, Konbini, Buzzfeed… », Le Monde diplomatique, août 2017, p. 21.
Fleury Béatrice et Walter Jacques (dir.), 2014. « État des recherches en SIC sur l’information médiatique », Revue française des sciences de l’information et de la communication, nº5.
Merzeau Louise, 2017. « Les fake news, miroir grossissant de luttes d’influences », Ina Global, mis en ligne le 19/05/2017.
Ringoot Roselyne, 2004. «  Discours journalistique : analyser le discours de la presse au prisme de la ligne éditoriale », in Ringoot Roselyne et Robert-Demontrond Philippe, L'Analyse de discours, Rennes : Apogée.
« Médias français : qui possède quoi », infographie régulièrement mise à jour par Le Monde Diplomatique.

Écosystème numérique

Ertzscheid Olivier, 2016. « Un algorithme est un éditorialiste comme un autre », affordance.info, mis en ligne le 15/11/2016.
Pignard-Cheynel Nathalie, Richard Jessica et Rumignani Marie, 2017. « Au-delà du mur : l'algorithme de Facebook mis à l'épreuve », The Conversation France, mis en ligne le 25/09/2017.
Smyrnaios Nikos, 2017. Les GAFAM contre l'Internet. Une économie politique du numérique, Paris : INA éditions, coll. « Études et controverses ».

Journalisme (pratiques, profession, conditions de travail…)

Accardo Alain (dir.), 2007. Journalistes précaires, journalistes au quotidien, Marseille : Agone, 896 p.
Le Bohec Jacques, 2000. Les Mythes professionnels des journalistes, Paris : L'Harmattan, 396 p.
Reporters sans frontières. Le Classement mondial de la liberté de la presse.
Ringoot Roselyne et Utard Jean-Michel (dir.), 2006. Le journalisme en invention. Nouvelles pratiques, nouveaux acteurs, Rennes : Presses universitaires de Rennes, coll. « Res Publica », 218 p.
Ruellan Denis, 2007. Le Journalisme ou le professionnalisme du flou, Grenoble : Presses Universitaires de Grenoble, 2007.

Journalistes (statistiques, parcours)

CCIJP (Commission de la carte d’identité des journalistes professionnels), 2017. 35238 cartes attribuées en 2016.
CCIJP, Conditions d'attribution de la carte professionnelle.
Da Lage Olivier, 2011. Obtenir sa carte de presse et la conserver, Paris : Victoires Éditions, coll. « Métier journaliste », 2e éd., 202 p., 15€.
IFP/Carism, 2017. L'Insertion et les parcours professionnels des diplômés de formations en journalisme, 146 p.
Leteinturier Christine (dir.), 2014. Les Journalistes français et leur environnement : 1990-2012. Le cas de la presse d’information générale et politique, Paris : Éd. Panthéon-Assas, 240 p., 35€. Lire ici ma note de lecture.
Leteinturier Christine et Frisque Cégolène (dir.), 2015. Les Espaces professionnels des journalistes. Des corpus quantitatifs aux analyses qualitatives, Paris : Éd. Panthéon-Assas, 226 p., 27€.

Diffusion des médias

Mesure des audiences de la télévision, de la radio et d'Internet : Médiamétrie, dont le Médiamat annuel 2016.

Mesure de la diffusion de la presse écrite et d'Internet : ACPM.
Audience, diffusion, chiffre d'affaires : statistiques en open data du ministère de la Culture et de la communication.

Vendredi 29 janvier, nous lançons le cycle de séminaires du programme de recherches ANR Collab, qui s'interroge sur le rôle des plateformes de crowdsourcing et de crowdfunding dans les mutations contemporaines des industries culturelles. La première séance, qui se déroulera à l'Université Paris 8 de 9h à 12h (salle D143), sera consacrée au journalisme. Les invités sont :

  • Ivan du Roy, journaliste, cofondateur de Basta !
  • Raphaël Garrigos, journaliste, cofondateur des Jours
  • Mehdi Guiraud, journaliste, membre d'Enquête Ouverte

Affiche séminaire Collab

Affiche séminaire Collab

Maître de conférences à l'IEP de Rennes et membre du Crape, Roselyne Ringoot travaille depuis longtemps sur l'analyse du discours et le journalisme — au moins depuis sa thèse, consacrée aux discours journalistiques sur le printemps chinois de 1989 et soutenue en 1995. Elle a depuis régulièrement publié sur la question, proposant notamment une très pertinente méthodologie d'analyse du discours de presse, dans un livre sur L'Analyse de discours (2004, Apogée, codirection avec Philippe Robert-Demontrond). Elle y posait la nécessité de relier toute analyse de presse à une étude de la ligne éditoriale des journaux considérés. La ligne éditoriale n'étant pas vue, comme il en est d'usage, comme la somme des déclarations des journalistes et éditeurs à propos de leur journal, mais bien comme le résultat des différentes opérations d'édition : comme ce qui est donné à lire au lecteur. De là l'intérêt, pour comprendre le discours sur un événement particulier, à le mettre en perspective avec le « discours moyen » ((Le terme n'est pas très heureux, il est de moi.)) du journal avant de comparer les journaux entre eux.
Parmi les autres publications de Roselyne Ringoot, signalons aussi deux ouvrages collectifs issus des travaux du Réseau d'études sur le journalisme : Inform@ation.local, Le paysage médiatique régional à l'ère électronique (2002, L'Harmattan, codirection avec Béatrice Damian, Denis Ruellan et Daniel Thierry) ((Pas de lien chez l'éditeur, dont le livre a disparu du catalogue : à quand une réédition en numérique ?)), Le Journalisme en invention (2006, PUR, codirection avec Jean-Michel Utard) ; ainsi que, toujours avec Jean-Michel Utard, un livre qui fait le point sur Les genres journalistiques (2009, L'Harmattan).
Bref : il ne s'agit pas ici de faire une biblio complète (je vous laisse chercher les articles !), mais de signaler que Roselyne Ringoot soutiendra son Habilitation à diriger les recherches le 3 décembre. Je ne pourrai pas y assister, mais ce sera certainement très intéressant. En voici le résumé :

Habilitation à diriger des recherches en Sciences de l'information et de la communication
Roselyne Ringoot
Maître de conférences à l'Institut d'études politiques de Rennes, Centre de Recherches sur l'Action Politique en Europe, UMR 6051
Lundi 3 décembre 2012, Salle du Conseil de l' IEP de Rennes, à 15h
Garant : Dominique Maingueneau, Professeur à l'Université Paris-Sorbonne
Le journalisme entre auctorialité et discours
Le journal auteur collectif et la profession auteur générique, le discours et la discursivité journalistiques
Jury
Jean Charron, Professeur en Sciences de l'information et de la communication, Université de Laval-Québec (rapporteur)
Dominique Maingueneau, Professeur en Sciences du langage, Université de Paris 4
Caroline Ollivier-Yaniv, Professeure en Sciences de l'information et de la communication, Université de Paris 12 (rapporteure)
Denis Ruellan, Professeur en Sciences de l'information et de la communication, Université de Rennes 1
Jean-François Tétu, Professeur émérite en Sciences de l'information et de la communication, Institut d'études politiques de Lyon (rapporteur)
Résumé
En problématisant le journalisme par l'auctorialité, il s'agit d'ouvrir de nouveaux pans de recherche dans les études sur le journalisme au sein desquelles l'auteur est circonscrit à la dimension juridique, ainsi que dans le domaine spécifique de l'analyse du discours journalistique, duquel l'auteur est quasi absent. La première partie de ce travail d'HDR concerne l'auctorialité collective du journal articulée à l'identité éditoriale. Le journal, forme première du journalisme qui perdure dans tous les supports médiatiques y compris les plus récents (le web, les tablettes, les applications mobiles), est envisagé en tant qu'auteur collectif. La seconde partie appréhende les cadres du discours journalistique et du discours des journalistes qui instruisent la professionnalité. S'il s'agit là aussi d'une forme collective de l'auctorialité, elle se différencie de la précédente et s'analyse à partir d'autres productions dont celles des théories indigènes de l'écriture journalistique. En traitant la question de l'éthos journalistique, je considère la profession en tant qu'auteur générique. La troisième et dernière partie porte sur la conceptualisation du journalisme par le discours, travaillée notamment à partir des concepts foucaldiens de formation discursive et de dispersion. Situant l'autorité et la légitimité de la parole journalistique dans l'espace public en fonction de discours connexes, j'interroge l'instauration de l'auctorialité spécifique au journalisme.
Les livres journalistiques, qui ont impulsé cette problématisation et qui constituent l'objet de mes recherches en cours et à venir, condensent et diversifient les interrogations portant sur la discursivité du journalisme. Pour autant, je n'associe pas la prolifération des livres journalistiques à une revanche supposée des journalistes qui seraient obnubilés par l'annexion d'un territoire a priori réservé à d'autres qu'eux, plus aptes à remplir les conditions d'une auctorialité de prestige liée à la production d'une œuvre. La banalisation des livres journalistiques semble davantage liée à une revendication décomplexée d'un statut d'auteur journaliste, motivée par un enjeu professionnel qui consiste à intégrer le livre dans le périmètre des savoir faire du métier. Aujourd'hui produit périssable conçu dans des stratégies d'édition, le livre fait l'objet d' une planification à court ou moyen terme et d'une diffusion soumise à la logique événementielle. Dans cette perspective, le livre ne déroge pas à l'ordre du discours journalistique et à sa dispersion, il recompose en revanche les modalités auctoriales du journalisme, entre auteur individué, auteur collectif et auteur générique.