Aujourd'hui paraît un entretien au long cours avec le journaliste, écrivain et (web)documentariste David Dufresne. Merci à La Revue des médias d'avoir accepté que je dépasse allègrement leurs canons habituels de longueur – le triple de ce qui m'avait été accordé au départ ! Il me semblait en effet important de prendre le temps nécessaire pour faire le point sur la carrière de David Dufresne au moment où elle pouvait paraître prendre un tour étonnant avec la publication de son nouveau livre, Dernière sommation, qui n'est pas une enquête, mais un roman.

Pour comprendre ce cheminement, et entrevoir en quoi il est moins un revirement qu'une étape logique, il fallait revenir aux origines et emprunter les nombreux chemins de traverse d'un auteur des plus éclectiques. Pétri de références qui mélangent joyeusement le punk, le rap et Jacques Brel, nourri à la presse papier, embarqué de fraîche date dans un web nécessairement contestataire sur lequel il parviendra à faire naître aussi bien une superproduction multiprimée (Fort McMoney) qu'un jeu textuel pour smartphone (L'Infiltré), David Dufresne est aussi l'auteur d'enquêtes marquantes publiées sous forme livresque (Tarnac, magasin général), et de documentaires qui les prolongent (Le Pigalle).

Et quand les médias ferment les yeux sur les violences policières pendant les manifestations de gilets jaunes, il utilise Twitter comme un média d'investigation pour documenter les abus et combattre le déni journalistique et politique qui domine alors (Allô Place Beauvau). Le roman qui est tiré de cette veille n'est pas une manière de tourner le dos au journalisme ou d'en constater l'impuissance définitive, il est un moyen parmi tous les autres d'allier le fond et la forme, le sujet qu'il s'agit de défricher avec la façon de le raconter. Peu de journalistes ont à ce point expérimenté les modes de narration sans jamais perdre de leur pertinence: cela valait bien un entretien fleuve.

À La Revue des médias, le rédacteur en chef François Quinton a été un relecteur attentif et exigeant, Laszlo Perelstein un éditeur précis et rapide. Ce qui a été long, c'est le temps entre le premier entretien avec David Dufresne (en novembre 2019 à Metz, entre deux cours auprès des étudiants du MJMN et une rencontre à la libraire Autour du monde animée par l'impeccable Raymond Michel) et la publication, ce 17 juin 2020. Entretemps, il y a eu le confinement, qui apparaît aussi dans l'entretien, complété en mai pour y ajouter les 57 Corona-Chroniques quotidiennes publiées par David Dufresne sur son blog.

L'entretien est illustré par les photographies de deux étudiants du MJMN, Rémy Chanteloup pour le portrait, et Maxime Gonzales pour la rencontre entre David Dufresne et Zoé Linden qui, quelques semaines plus tôt, avait été contrôlée par la police en gare de Metz alors qu'elle lisait Dernière sommation.

Dernière précision : l'entretien a été relu par David Dufresne à ma demande. Oui, j'enseigne de ne pas le faire… sauf exception 😉 En voici une: un entretien long, réalisé en cinq fois dans trois lieux différents dont un très bruyant, avec un interviewé grippé et fatigué. Les corrections apportées ont concerné la forme et des précisions sur certains faits. Rien n'a été édulcoré, et ça se sent. Bonne lecture!