Je participe aujourd'hui à la journée d'études Échanges et confrontations entre sciences de l'information et de la communication et sciences du langage, à Metz. J'y parle d'espace public, d'Habermas et de la manière dont « son » concept a été approprié en France et dans les pays anglo-saxons.

Il s'agit d'une « journée délocalisée » de l'Association des sciences du langage. Elle est organisée par mes collègues Angeliki Monnier et Guy Achard-Bayle, son programme est ici.

Ci-dessous les slides, et ici pour les avoir en plein écran (déplacement avec les flèches, d'abord vers le bas tant qu'on peut, puis vers la droite).

Très heureux d'intervenir ce matin au Regroupement annuel des professeur·e·s documentalistes de l'académie de Reims, à l'invitation de Valérie Scholtès (merci !). Voici ma présentation, à retrouver également ici pour le plein écran

On navigue avec les flèches en bas à droite (ou avec le clavier), d'abord de haut en bas puis de gauche à droite. Vue d'ensemble avec O, retour avec Échapp.

Céline Ségur et moi organisons mardi 7 novembre à Metz une (demi-)journée d'études sur le thème Devenir public. Modalités et enjeux. Nous parlerons de l'instabilité foncière des publics, d'espace(s) public(s), de radio, de crowdfunding, de musées… Ces débats sont conçus comme un prolongement au livre portant le même titre que nous avons dirigé aux Éditions Mare & Martin, et qui va sortir dans les prochaines semaines.
Au programme :
9h-9h30 : Accueil
9h30-9h45 : Ouverture
Jacques Walter, directeur du Centre de recherche sur les médiations (Crem), Université de Lorraine
9h45-10h15 : Faire public, devenir public
Loïc Ballarini et Céline Ségur (Crem, Université de Lorraine)
10h15-11h : Les publics malgré tout, les publics envers et contre tout
Éric Maigret (IRMECCEN, Université Paris 3 Sorbonne Nouvelle)

11h-11h15 : Pause
11h15-12h : Devenir public par le mécénat culturel participatif. Quelques hypothèses
Gaëlle Crenn (Crem, Université de Lorraine)
12h-12h45 : Est-ce que quelqu’un m’écoute encore ? De la nécessité du public dans la relation de communication
Christophe Deleu (Sage, université de Strasbourg)
Cela se passe à Metz, Campus du Saulcy de l'Université de Lorraine, salle Ferrari. Tous les détails dans le programme.

Obsweb - EWJ2016Ça ne pouvait pas mieux tomber : lundi 22 février, Médiamétrie publiait L'Année internet 2015, son bilan annuel dans lequel il apparaissait que l'année écoulée était celle du basculement. Pour la première fois en France, le nombre de connexions à internet depuis les mobiles (tablettes et smartphones) a dépassé en 2015 celui des connexions depuis les ordinateurs. Or, quatre jours plus tard, Obsweb, l'Observatoire du webjournalisme rattaché au Crem, organisait les 6e Entretiens du webjournalisme sur le thème « Information et supports mobiles ». Sceptiques, monothéistes et adversaires du mariage de la carpe informationnelle et du lapin numérique, passez donc votre chemin — ou, plutôt, changez-en : de profondes mutations sont en cours. Encore ? Rassurez-vous : on ne va pas vous refaire le coup de la révolution ou de la technologie disruptive. Il y en au moins une tous les matins sur les sites technophiles, mais ce n'est pas le genre de la maison.

#Obsweb nouveau métier

A photo posted by @undessinparjour on


Ce qui est important, c'est le mouvement de fond, que certain-e-s voient poindre depuis un moment et qui est désormais une réalité : ce n'est pas l'avenir d'internet qui est mobile, c'est son présent. Cela pose des questions cruciales aux producteurs d'informations qui, comme cela a été relevé plusieurs fois, commencent à peine à accepter de penser l'info web first alors que leur préoccupation devrait être mobile first. Car c'est ainsi que leurs lecteurs potentiels vivent : près de 60% de la population sont désormais équipés de smartphone, et ce taux monte à 90% chez les 18-24 ans. La consommation d'information suit évidemment le mouvement : de moins en moins de lecteurs papier, de plus en plus de lecteurs numériques, qui ne se connectent plus que rarement à la page d'accueil de leur média favori, qui en suivent très marginalement les flux RSS, mais qui installent des applis, jettent un œil à leurs notifications et, surtout, arrivent de plus en plus souvent sur un article en ayant suivi une recommandation (re)postée sur un réseau social.

Taux d'équipement et taux d'accès à internet 2015

Taux d'équipement et taux d'accès à internet en France en 2015. Source ARCEP, Baromètre numérique 2015.

Le problème, c'est que cette évolution est très rapide et que les médias, comme toutes les institutions, ont bien du mal à réagir, sans même parler d'anticiper. Et pourtant : au Royaume-Uni, l'audience totale (papier + numérique) de 5 quotidiens est désormais majoritairement mobile — c'est près des deux-tiers pour The Independent, qui vient d'annoncer l'arrêt de son édition papier pour se concentrer sur le numérique. Comment cette audience se construit-elle ? En France, selon Médiamétrie, les réseaux socio-numériques sont à l'origine de 20 à 50% de l'audience numérique des sites d'info. Tel est le cocktail que journalistes et médias ont en main : internet mobile et réseaux socio-numériques. Qu'en faire ? Qu'y faire ?
Pour tenter d'y répondre, les Entretiens du webjournalisme étaient organisés en deux parties : la matinée était consacrée à interroger les stratégies éditoriales pour le mobile ; l'après-midi à des retours d'expérience de journalistes produisant de l'info en mobilité. Entre les deux, la présentation du Défi appli mobile, par les étudiants en journalisme de Metz, qui devaient concevoir des applis destinés à un public jeune et orientés info locale — travail qui combinait recherche et entretiens auprès de jeunes, et développement de l'appli avec Morgiane Achache, chef de produit numérique au Monde.fr. Mon propos n'est pas ici de résumer les débats : d'autres s'y sont déjà collés avant moi, et avec un bel esprit de synthèse. Lisez donc Nicolas Becquet, journaliste et manager des supports numériques de L'Écho, qui passe en revue la journée complète, ainsi que Jonathan Hauvel, rédacteur en chef adjoint du Bruxelles Bondy Blog, à propos des retours d'expérience d'une belle brochette de journalistes-pionniers dont les interventions ont marqué l'assistance.
Si cela vous intéresse, prolongez un peu : les étudiant-e-s du Master Journalisme et médias numériques de Metz, coachés par Nathalie Pignard-Cheynel, responsable d'Obsweb, et ceux-celles de la Licence professionnelle Journalisme et médias locaux de Nancy, avec votre serviteur, ont couvert la journée tous azimuts. Streaming en direct à trois caméras, articles de synthèse, interviews, live-tweet, Instagram, Periscope, Snapchat… par une rédaction éphémère de 50 futurs journalistes à la pointe de la technique et de la réflexion (du moins est-ce que nous essayons de leur proposer, et ce que Nicolas Becquet a réalisé avec trois étudiant-e-s embarqué-e-s avec lui dans une journée de mobile journalism). C'est le hashtag #obsweb qui a servi de panache blanc à cette journée, qui peut aussi être revue en intégralité ici, ici et .
Comme le souligne justement Nicolas Becquet, le contraste était saisissant entre matin et après-midi. Le matin, professionnels comme chercheurs n'ont pu que constater l'absence, au moins en France, de stratégie éditoriale en direction des supports mobiles. Mais si l'on ne produit pas encore pour eux, on commence à produire par les supports mobiles. C'est ce que les témoignages et études de l'après-midi ont montré. Les JT entièrement tournés à l'iPhone de Léman Bleu racontés par Laurent Keller, le reportage au smartphone de Nicolae Schiau, qui a suivi des migrants syriens tout au long d'un périple documenté sur divers réseaux socio-numériques, le laboratoire mobile sous forme de van ultra-connecté de Damien Van Achter, le suivi de la coupe du monde de rugby sur WhatsApp par Antoine Maes, et l'appli participative Earth Alert de Steven Jambot… Il y a dans ces expériences quelques points communs : oser se lancer sans être sûr du résultat, retourner sur le terrain, utiliser les outils du quotidien, les mêmes que ceux des lecteurs.

Il y a aussi une nouvelle qui devrait faire réfléchir les « gros » médias : ces innovations viennent de structures légères, parfois de journalistes indépendants, qui ne disposent que de budgets modestes. Tout le monde n'est pas La Presse, qui peut investir 26 millions d'euros et embaucher 200 personnes pour développer une appli tablette. Mais tout le monde peut être Léman Bleu, qui acquiert quelques micros, trépieds et perches à selfie. Pour faire quoi ? De la proximité, autre mot-clé de la journée. Proximité avec son sujet, mais aussi avec son public. Proximité physique (sur la route avec les migrants, au plus près puisqu'on filme au smartphone), et proximité technique et d'usages (outils et réseaux partagés avec le public et les sources). Ce n'est d'ailleurs pas étonnant qu'une des démonstrations les plus convaincantes de la journée soit celle de Laurent Keller1, qui expliquait qu'en troquant les imposantes caméras de télévision pour des iPhones, Léman Bleu n'avait pas seulement modifié sa manière de raconter son territoire, mais qu'elle en avait profité pour renoncer à ses rêves de grandeur : cette télé qui avait par le passé tout fait pour être reconnue comme une station régionale est redevenue fière d'être une télé locale.

Dans le débat général sur la crise des médias, on a effet souvent tendance à se focaliser sur les aspects techniques, vus alternativement comme la source de tous les maux et la route vers toutes les solutions. Mais comme dans tout processus d'innovation, la technique n'est rien sans le social qui la porte et se l'approprie, voire la détourne. À quoi bon vouloir révolutionner l'information si ce n'est pour qu'elle soit lue, partagée et discutée ? Ce qui fait qu'un lecteur apprécie un média, un journaliste ou un article, ce n'est pas d'abord sa qualité technique, c'est son contenu, et la relation qui se crée entre lecteur et producteur d'information. C'est peut-être parce qu'ils se mettent à produire par les supports mobiles que les rédactions vont finir par produire pour les supports mobiles. L'indifférenciation entre les supports de production et de réception de l'information, fait unique dans l'histoire des médias, aidera peut-être à ne pas perdre de vue que tout cela n'aura de sens que si l'on produit en même temps pour les lecteurs.
PS : Et le nerf de la guerre, alors ? Ce n'était pas l'objet de cette journée. C'est par contre le thème des Assises du journalisme 2016, qui se déroulent cette année à Tours, à partir de… demain. On en reparle.
 

  1. Je ne dis pas que les autres interventions n'étaient pas convaincantes, loin de là. Mais l'intérêt de Léman Bleu est que l'expérience n'en est plus une : elle est devenue le quotidien de la rédaction. Les autres projets ouvrent des voies encore impratiquées, mais ne sont pour l'instant que ponctuels — Damien Van Achter étant entre les deux, puisqu'il a annoncé lors des Entretiens mettre à disposition l'application Backtrackr, qui lui permet de réaliser ses roadtrips multimédia. []

Vendredi 29 janvier, nous lançons le cycle de séminaires du programme de recherches ANR Collab, qui s'interroge sur le rôle des plateformes de crowdsourcing et de crowdfunding dans les mutations contemporaines des industries culturelles. La première séance, qui se déroulera à l'Université Paris 8 de 9h à 12h (salle D143), sera consacrée au journalisme. Les invités sont :

  • Ivan du Roy, journaliste, cofondateur de Basta !
  • Raphaël Garrigos, journaliste, cofondateur des Jours
  • Mehdi Guiraud, journaliste, membre d'Enquête Ouverte

Affiche séminaire Collab

Affiche séminaire Collab

L’Institut français d’études anatoliennes (IFEA) vient de mettre en ligne l’enregistrement du séminaire commun avec l’Université Galatasaray, auquel j’ai apporté ma contribution le 26 avril dernier. J’en profite donc pour partager ici les diapos de ma présentation.
Merci à Benoît et toute l’équipe pour l’accueil, et aux participants pour leurs questions.

Et pour écouter l’enregistrement directement ici :
[audio: http://www.ifea-istanbul.net//images/stories/audio/26042013_ballarini2.mp3]

Maître de conférences à l'IEP de Rennes et membre du Crape, Roselyne Ringoot travaille depuis longtemps sur l'analyse du discours et le journalisme — au moins depuis sa thèse, consacrée aux discours journalistiques sur le printemps chinois de 1989 et soutenue en 1995. Elle a depuis régulièrement publié sur la question, proposant notamment une très pertinente méthodologie d'analyse du discours de presse, dans un livre sur L'Analyse de discours (2004, Apogée, codirection avec Philippe Robert-Demontrond). Elle y posait la nécessité de relier toute analyse de presse à une étude de la ligne éditoriale des journaux considérés. La ligne éditoriale n'étant pas vue, comme il en est d'usage, comme la somme des déclarations des journalistes et éditeurs à propos de leur journal, mais bien comme le résultat des différentes opérations d'édition : comme ce qui est donné à lire au lecteur. De là l'intérêt, pour comprendre le discours sur un événement particulier, à le mettre en perspective avec le « discours moyen »1 du journal avant de comparer les journaux entre eux.
Parmi les autres publications de Roselyne Ringoot, signalons aussi deux ouvrages collectifs issus des travaux du Réseau d'études sur le journalisme : Inform@ation.local, Le paysage médiatique régional à l'ère électronique (2002, L'Harmattan, codirection avec Béatrice Damian, Denis Ruellan et Daniel Thierry)2, Le Journalisme en invention (2006, PUR, codirection avec Jean-Michel Utard) ; ainsi que, toujours avec Jean-Michel Utard, un livre qui fait le point sur Les genres journalistiques (2009, L'Harmattan).
Bref : il ne s'agit pas ici de faire une biblio complète (je vous laisse chercher les articles !), mais de signaler que Roselyne Ringoot soutiendra son Habilitation à diriger les recherches le 3 décembre. Je ne pourrai pas y assister, mais ce sera certainement très intéressant. En voici le résumé :

Habilitation à diriger des recherches en Sciences de l'information et de la communication
Roselyne Ringoot
Maître de conférences à l'Institut d'études politiques de Rennes, Centre de Recherches sur l'Action Politique en Europe, UMR 6051
Lundi 3 décembre 2012, Salle du Conseil de l' IEP de Rennes, à 15h
Garant : Dominique Maingueneau, Professeur à l'Université Paris-Sorbonne
Le journalisme entre auctorialité et discours
Le journal auteur collectif et la profession auteur générique, le discours et la discursivité journalistiques
Jury
Jean Charron, Professeur en Sciences de l'information et de la communication, Université de Laval-Québec (rapporteur)
Dominique Maingueneau, Professeur en Sciences du langage, Université de Paris 4
Caroline Ollivier-Yaniv, Professeure en Sciences de l'information et de la communication, Université de Paris 12 (rapporteure)
Denis Ruellan, Professeur en Sciences de l'information et de la communication, Université de Rennes 1
Jean-François Tétu, Professeur émérite en Sciences de l'information et de la communication, Institut d'études politiques de Lyon (rapporteur)
Résumé
En problématisant le journalisme par l'auctorialité, il s'agit d'ouvrir de nouveaux pans de recherche dans les études sur le journalisme au sein desquelles l'auteur est circonscrit à la dimension juridique, ainsi que dans le domaine spécifique de l'analyse du discours journalistique, duquel l'auteur est quasi absent. La première partie de ce travail d'HDR concerne l'auctorialité collective du journal articulée à l'identité éditoriale. Le journal, forme première du journalisme qui perdure dans tous les supports médiatiques y compris les plus récents (le web, les tablettes, les applications mobiles), est envisagé en tant qu'auteur collectif. La seconde partie appréhende les cadres du discours journalistique et du discours des journalistes qui instruisent la professionnalité. S'il s'agit là aussi d'une forme collective de l'auctorialité, elle se différencie de la précédente et s'analyse à partir d'autres productions dont celles des théories indigènes de l'écriture journalistique. En traitant la question de l'éthos journalistique, je considère la profession en tant qu'auteur générique. La troisième et dernière partie porte sur la conceptualisation du journalisme par le discours, travaillée notamment à partir des concepts foucaldiens de formation discursive et de dispersion. Situant l'autorité et la légitimité de la parole journalistique dans l'espace public en fonction de discours connexes, j'interroge l'instauration de l'auctorialité spécifique au journalisme.
Les livres journalistiques, qui ont impulsé cette problématisation et qui constituent l'objet de mes recherches en cours et à venir, condensent et diversifient les interrogations portant sur la discursivité du journalisme. Pour autant, je n'associe pas la prolifération des livres journalistiques à une revanche supposée des journalistes qui seraient obnubilés par l'annexion d'un territoire a priori réservé à d'autres qu'eux, plus aptes à remplir les conditions d'une auctorialité de prestige liée à la production d'une œuvre. La banalisation des livres journalistiques semble davantage liée à une revendication décomplexée d'un statut d'auteur journaliste, motivée par un enjeu professionnel qui consiste à intégrer le livre dans le périmètre des savoir faire du métier. Aujourd'hui produit périssable conçu dans des stratégies d'édition, le livre fait l'objet d' une planification à court ou moyen terme et d'une diffusion soumise à la logique événementielle. Dans cette perspective, le livre ne déroge pas à l'ordre du discours journalistique et à sa dispersion, il recompose en revanche les modalités auctoriales du journalisme, entre auteur individué, auteur collectif et auteur générique.

  1. Le terme n'est pas très heureux, il est de moi. []
  2. Pas de lien chez l'éditeur, dont le livre a disparu du catalogue : à quand une réédition en numérique ? []

Où (en) est la critique en communication ?Dans une semaine, je serai à Montréal pour participer au colloque international « Où (en) est la critique en communication ? », dont j’avais diffusé l’appel à communications ici, qui est organisé par le Gricis et se déroule dans le cadre du 80e congrès de l’Association francophone pour le savoir.

Le menu est aussi alléchant que riche : il n’y a que deux jours, et souvent trois ateliers en parallèle… les choix vont être difficiles… Tous les détails sur le programme en PDF ou sur le site du colloque, d’où sont accessibles les résumés de toutes les communications. J’interviendrai pour ma part lundi 7 mai en début d’après-midi, dans l’atelier C consacré à « La communication entre espace public et idéologie ». Voici le résumé de ma communication :

Lire la suite de

Médias et migrations dans l’espace euro-méditerranéen — affiche (merci à Johan van Elk pour la photo)Ça y est ! Le programme du colloque Médias et migrations dans l’espace euro-méditerranéen est prêt. Deux grosses journées de débats nous attendent les 17 et 18 novembre au Centre Pierre-Sabbagh de l’Ina, dans le 13e arrondissement de Paris. Avec Tristan Mattelart, qui en assure la direction scientifique, je me suis occupé de son organisation. Pas toujours facile de faire coïncider les contraintes des réservations d’avion, qui doivent se faire rapidement sous peine de voir les tarifs augmenter généreusement, et les contraintes de l’université, dont les lignes budgétaires mettent parfois du temps à être abondées. Tout le monde a fait ce qu’il a pu pour s’accommoder de ce système et, après quelques sueurs froides, ça roule. Cela valait la peine : disposant d’un financement de l’ANR (c’était un programme de recherches sur trois ans), nous avons pu inviter tout le monde. Déplacement et hébergement payés par l’organisation du colloque : si cela pouvait arriver plus souvent… Bref, je suis en mesure d’annoncer que, non seulement il y a un programme, mais qu’en plus, les conférenciers seront là1 ! Pour faire connaissance, c’est par ici.

  1. Sauf empêchement de dernière minute, évidemment. []

J’interviendrai vendredi, sur le thème « Pourquoi lire la presse régionale aujourd’hui ? », lors du colloque Les mutations de l’information et des médias locaux et régionaux : économie, contenus, usages et pratiques professionnelles. Ça se passe à Toulouse, et c’est organisé par le Lerass. Je participerai à un atelier animé par Denis Ruellan, où l’on pourra également entendre Christian Lamour sur les usages de la presse quotidienne au Luxembourg en fonction de l’appartenance communautaire, Benoît Lafon sur le modèle d’information proposé par le 19/20 de France 3, et Julien Auboussier sur les différentes échelles du local. Le programme complet est des plus intéressants. Et, puisqu’il y a en général deux, voire trois ateliers en parallèle, cela va être une douleur de choisir dans quelle salle s’enfermer et quelles communications manquer… En attendant et en l’absence de pauvre point, voici le résumé de mon papier.

Pourquoi lire la presse régionale aujourd’hui ?
Loïc Ballarini, 21 octobre 2011

« Merci aux 8 Costarmoricains sur 10 qui nous lisent », proclamait cet hiver une campagne publicitaire d’Ouest-France diffusée dans les Côtes-d’Armor. Malgré un déclin continu de ses ventes, la presse quotidienne et hebdomadaire régionale demeure la forme de presse d’information la plus lue, loin devant les quotidiens nationaux et les news magazines. Pourquoi lit-on aujourd’hui la presse locale ? Pour quelles raisons et qu’y recherche-t-on ?Quelle est la place de la presse régionale dans l’espace public recomposé des régions ?

À partir d’entretiens avec des lecteurs de la presse locale bretonne et d’une analyse de contenu de celle-ci, ce travail, issu de ma thèse, montre une grande stabilité dans les motivations de lecture des journaux régionaux. Tout d’abord, on ne choisit pas son journal, même quand il existe encore une concurrence : on en hérite le plus souvent la lecture de ses parents, et cette habitude a tendance à se renforcer au cours de la vie, rendant extrêmement rares les cas où un lecteur change de journal. Les autres formes de choix sont elles aussi des non-choix, lorsque l’on doit lire tel journal pour des raisons professionnelles, ou que l’on se contente de celui que l’on trouve au café ou au restaurant universitaire.

Il existe ensuite deux manières de lire un régional. Une lecture géographique, qui renvoie aux différentes échelles de la vie quotidienne, au découpage des journaux locaux et aux correspondances plus ou moins évidentes entre ces deux feuilletés spatiaux. S’il apparaît que chacun cherche à retrouver « son » local dans le journal, il apparaît aussi que chacun a une conception du local qui lui est propre. Ceci, ajouté à la complexification constante des niveaux administratifs infra-nationaux, a pour résultat une double confusion : les lecteurs aux repères bousculés ont plus de mal à se retrouver dans une presse régionale qui ne semble plus capable de proposer un contenu adapté aux évolutions des territoires qu’elle couvre.

Quand elle n’est pas spatialement différenciée, la lecture du régional est thématique : on y recherche des infos-services, l’agenda des sorties, les résultats sportifs, les avis d’obsèques, ou bien encore la confirmation d’un fait que l’on connaît déjà par ailleurs. Dans un cas comme dans l’autre, la presse régionale apparaît loin de la mission d’animation de l’espace public local qu’elle revendique. Elle n’en participe pas moins au maintien d’un lien social élémentaire, qui passe par la transmission des informations pratiques et des menues nouvelles. Ce lien, qui ne suffit pas à lui seul à porter le débat sur les enjeux d’intérêt général, en est toutefois une des conditions de possibilité. La presse régionale n’est pas l’espace public à elle seule, mais elle en demeure un élément. Les autres médias (télévisions et radios locales, et de plus en plus internet, à la fois concurrent et complémentaire en termes d’usages) doivent également être pris en compte. Mais pas seulement : les conversations et interactions, directes ou médiées, qui ont lieu quotidiennement ou plus épisodiquement, jouent un rôle au moins aussi important que les médias dans l’échange des idées et des nouvelles, qui est au cœur des espaces publics contemporains.

Si l’étude des mutations de l’information et des médias locaux ne peut se passer de celle de leurs publics, cette dernière ne peut non plus se limiter à des questions classiques de réception. Les recompositions des espaces publics régionaux, dus aux bouleversements médiatiques et à l’évolution sociale, impliquent d’ouvrir la conception de l’espace public aux échanges quotidiens, dont la finalité n’est pas nécessairement politique (Arendt1), ainsi qu’à l’articulation entre les échelles de territoire (Lacoste2), et finalement aux processus de socialisation (Elias3, Percheron4), dont le local est le lieu privilégié.

  1. Hannah Arendt, 2002 (1958). Condition de l’homme moderne, Paris : Pocket, coll. « Agora », 406 p. []
  2. Yves Lacoste, 1985 (1976). La géographie ça sert, d’abord, à faire la guerre, Paris : La Découverte, coll. « Fondations », 214 p. []
  3. Norbert Elias, 1997 (1987). La Société des individus, Paris : Pocket, coll. « Agora », 303 p. []
  4. Annick Percheron, 1993. La socialisation politique, Paris : Armand Colin, coll. « U », série « Sociologie », 226 p. []