Très heureux d'intervenir ce matin au Regroupement annuel des professeur·e·s documentalistes de l'académie de Reims, à l'invitation de Valérie Scholtès (merci !). Voici ma présentation, à retrouver également ici pour le plein écran

On navigue avec les flèches en bas à droite (ou avec le clavier), d'abord de haut en bas puis de gauche à droite. Vue d'ensemble avec O, retour avec Échapp.

Lecture de vacances : Ouest-France. Petite analyse rapide et sans prétention de représentativité, mais avec de vrais morceaux de colère dedans. Il s'agit du Grand débat national. De la manière dont il va être transformé (utilisé) en décisions politiques — il est déjà, en soi, un acte politique. Celui de travestir une fausse consultation (questions biaisées, règles codifées d'équité balayées dès le départ). Comment Ouest-France s'en saisit-il ?

Dimanche 7 avril. « Le Grand débat révèle les attentes des Français », annonce en une l'édition dominicale du plus diffusé des quotidiens français. En page 2, l'article est titré « Grand débat : des surprises dans la synthèse ». Ah, ils sont forts, à Ouest-France, ou plutôt : ils mettent les moyens pour faire du journalisme. Ils sont allés télécharger les données du débat, les ont analysées, et vont nous en résumer les enjeux. Mais non. Ils ont mieux. Une interview de deux ministres, les « pilotes » du débat, Emmanuelle Wargon et Sébastien Lecornu. Qui déroulent la communication gouvernementale, balaient d'un revers de main une gentille question sur « les réserves exprimées par la présidente de la CNDP », qui a été honteusement débarquée dès le départ. Objectif : préparer l'opinion à la synthèse que le Premier ministre doit présenter le lendemain en direct du Grand Palais. Mission accomplie, avec une page exemplaire de journalisme-passe-plat.

Ouest-France du lundi 8 avril

Lundi 8 avril. La synthèse va être présentée aujourd'hui, elle n'est donc pas encore dans le journal. Juste en une, dans l'éditorial, signé Stéphane Vernay, l'auteur de l'interview de la veille. Appelant à l'avènement du « temps des décisions », et constatant que le Grand débat a été « un formidable exercice de démocratie participative », il reconnaît que les Gilets jaunes ne seront certainement pas d'accord avec les décisions du Président, qui doit se saisir de ce moment pour réaffirmer sa légitimité. Ça va, l'opinion, vous êtes bien préparés ?

Mardi 9 avril. « Ce qui ressort du Grand débat », annonce la une. La page 4 est chargée de répondre à la question « Que retenir de ces deux mois de Grand débat ? » Sera-t-on étonné de découvrir qu'Édouard Philippe est très content et que tout ce qu'il a lu conforte le gouvernement dans son cap ? Même pas. À croire que les Gilets jaunes seraient tous prêts à voter Macron demain. Dingue. Mais ça n'a pas l'air d'interroger Ouest-France.

Cette séquence me laisse pantois. Le Grand débat a duré 3 mois. On en connaissait les failles depuis le début. Il était facile de préparer un dossier même pas forcément critique en diable, mais au moins respectueux du fait que la vérité ne sort pas que de la bouche des ministres, même quand on les a en interview exclusive. À croire qu'Ouest-France, en deux unes, deux pages complètes plus un éditorial, n'avait pas la place pour y caser ne serait-ce qu'un encadré.

Pourtant. Le 8 avril, dans son « Tout s'explique » du jour, le plus long segment de sa lettre quotidienne d'information, Brief.me avait réussi à aborder ce que le gouvernement retient du Grand débat (et pas ce qu'il faut en retenir, nuance de taille), la manière dont les contributions ont été analysées et par qui (jamais expliqué par Ouest-France), et le fait que des chercheurs planchent aussi sur ces données, que des sociologues ont interrogé les participants aux réunions locales et les ont en effet trouvés bien différents et plus Macron-compatibles que les Gilets jaunes des ronds-points, enfin que ces derniers ont organisé un « Vrai débat » lui-même analysé par des chercheurs (coucou les copains du Lerass). Tout ça en 2900 signes (vous êtes à 3600 depuis le début de ce billet).

Tu vois, Ouest-France ? C'est possible. Et c'est du journalisme : précis, sourcé, faisant appel à plusieurs points de vue, et même pas fallacieusement orienté comme ce billet énervé par ta complaisance envers le pouvoir.