Ulule, Kickstarter et autres fourmillent de projets plus ou moins bien ficelés, plus ou moins bien outillés pour attirer le chaland-contributeur, et lui offrant plus ou moins de goodies et autres privilèges en fonction de l’importance de son engagement. Pour que le jeu en vaille la chandelle, et que le contributeur passe à la caisse, on lui promet en effet monts et merveilles : magnets, t-shirts, éditions limitées, visite de l’usine, concert à domicile…
Ce faisant, on ne mobilise qu’une catégorie d’engagement : l’engagement financier. Qui paie le plus obtient le plus. Et pour l’engagement affectif, voire politique ? Qui paie le plus… n’a rien de plus. C’est le principe de l’abonnement ou de l’adhésion de soutien transposé au crowdfunding. C’est ainsi que l’apabiz, une association antifasciste allemande, a récemment financé via Startnext le lancement de son projet Rechtes Land, cartographie interactive des activités néonazies, des lieux de mémoire et des organismes de conseil aux victimes1. Certes, il ne s’agit pas d’une console de jeu et les sommes en… jeu n’ont rien à voir. Rechtes Land a bravement récolté 6015€, ce qui est toutefois plus que le minimum demandé (5000€), permettant de salarier deux personnes le temps de rassembler les données de base et de mettre au point une première version de la carte, d’ores et déjà accessible en bêta. Qu’est-ce qu’on gagne ? Pour 5€, le plaisir de donner un coup de main (« virtueller Händedruck »). Pour 30€, don maximum proposé, un an du journal de l’association, d’ordinaire réservé aux adhérents (cotisation minimale de 60€ par an) : c’est un cadeau, mais on reste dans des échelles très modestes. Qu’importe, si c’est ce que recherchent les initiateurs du projet… et ses supporters, qui n’accepteraient certainement pas une démarche à caractère franchement commercial.
Dans le même ordre d’idées, Martin Vidberg nous apprenait cette semaine que le site dédié au jeu de société Tric Trac adoptait, comme le font de plus en plus de journaux, un système de paywall. Payer pour pouvoir lire des articles et regarder des vidéos auparavant gratuites ? Pas tout à fait : tout l’ancien contenu reste gratuit, et les nouveaux articles et rubriques pourront être accessibles en priorité en ayant acheté des Pouicos, la monnaie interne du site. L’intérêt de la chose, c’est que, lors de sa présentation aux habitués du site, le système n’est pas encore au point. On sait combien de Pouicos on peut acheter avec combien d’euros, mais ils ne donnent pour l’instant rien : combien il faudra en dépenser pour accéder en priorité aux vidéos HD n’est pas indiqué — ni même, apparemment, connu des responsables du site. « La première fonction des Pouicos est de soutenir Tric Trac », pas de gagner des cadeaux.
Et ça marche : d’après Martin Vidberg, 700 personnes se sont abonnées le premier jour, comblant le déficit des trois mois à venir. Un miracle de l’esprit « communautaire », qui fait que certains aficionados sont prêts à faire des dons à une entreprise ? Peut-être. Un indice en tout cas qu’au-delà des discours enchanteurs sur les marques et le branding, c’est surtout le contenu qui intéresse le lecteur. Tric Trac laisse tomber ce qui le faisait vivre jusqu’à présent (la fabrication de sites pour d’autres), mais détournait de son activité principale des ressources humaines, pour ce concentrer sur le contenu de son propre site. Le lecteur lui en sait gré. On ne s’en plaindra pas, sans se bercer d’illusions non plus : devant le succès rencontré, un éditeur de jeux, qui a très certainement intérêt à l’existence d’un tel site communautaire de référence, a annoncé offrir en cadeau aux premiers souscripteurs une extension à l’un de ses jeux. Même à la marge des grands mouvements industriels du secteur, les petites initiatives font jouer les mêmes ressorts.

  1. Ce que la taz a résumé par « Sag mir wo die Nazis sind » (« Dis-moi où sont les nazis »), jeu de mot sur le titre de la version allemande (« Sag mir wo die Blumen sind ») d’une chanson de Peete Seeger dont l’interprétation par Joan Baez est à tomber par terre. Bref. []

La campagne de recrutement — on dit « session synchronisée » — bat son plein : ouverte depuis le 26 février, elle se refermera le 28 mars. La liste complète des postes disponibles est en ligne ici. L’année dernière, je pestais que si peu d’universités permettent l’envoi de dossiers électroniques. Chaque dossier devant être adressé au jury en triple exemplaire, et on espère suivi de publications pour l’audition, la facture de photocopies et timbres grimpe vite — pas de chiffres, désolé, pas eu le courage de tout bien noter. Cette année, ça va mieux : sur les six candidatures que je poste, quatre sont électroniques. Depuis Istanbul, j’apprécie.
Quand on déclare une candidature dans Galaxie, l’application du ministère, on remplit tout un tas de champs : identité, titre de la thèse et date de soutenance, quelques lignes sur les publications et l’enseignement. Bref, on fournit un résumé de la candidature, qui est la première pièce à verser au dossier, et à laquelle s’ajoutent le CV détaillé, les copies du doctorat, de la carte d’identité et du rapport de soutenance.
Ici, on pourrait imaginer une procédure de signature électronique de la déclaration de candidature : après tout, ça fonctionne très bien pour les impôts. Mais non : elle doit être imprimée, puis datée et signée à la main et, si le dossier électronique est possible, scannée et convertie en PDF pour être ensuite téléchargée dans l’application de chaque université où l’on postule.
Oui : dans l’application de chaque université. Tout le monde n’a pas la même. Ce qui fait qu’il y en a de meilleures que d’autres. Celle de Paris 8 et Paris 13 est un modèle d’ergonomie ratée, tandis que celle de l’Université de Lorraine est simple, claire et efficace. Dans la première, un fouillis de cadres à partir desquels on ouvre des dossiers puis fait apparaître des popups dans lesquels il faut donner un titre à chaque fichier téléchargé, sans que la liste légale soit reprise nulle part. Dans la seconde, une simple fenêtre avec la liste des pièces à charger : on clique sur celle qu’on veut envoyer, on choisit son fichier, ça charge, l’item disparaît de la liste, et hop. Quand on a fini, on peut soit corriger, soit cliquer sur le bouton idoine afin que les services compétents vérifient que le dossier est recevable.
Pour P8 et P13, personne ne sait que vous avez déposé les pièces. Je l’ai fait en même temps il y a deux jours. Dans Galaxie, je vois que mon dossier pour P13 est déjà noté comme recevable, mais rien pour P8. L’ironie de l’histoire, c’est que je continue de recevoir des mails automatiques de P13 m’avertissant de la date limite pour envoyer les pièces, mais plus de P8.
Bien que ces applications soient différentes, elles sont d’une manière ou d’une autre reliées à Galaxie, puisqu’un mot de passe est envoyé automatiquement au candidat, et que l’application sait sur quel poste on candidate, ce qui est bien le moins. Mais ça ne va pas plus loin. Donc certaines facs demandent, en plus des pièces légales, de remplir une fiche qui reprend, sous une autre forme, les renseignements déjà donnés à Galaxie pour la déclaration de candidature. Pourquoi ? Mystère… les esprits mal tournés craindront que les rapporteurs n’en profitent pour éviter de lire les dossiers de candidature. Difficile de ne pas y penser, puisqu’à la fin de cette fiche, un espace est justement prévu pour l’avis des rapporteurs… C’est certainement un mauvais procès — à toutes mes auditions, les questions posées montraient que le dossier avait été lu —, mais je ne vois guère l’intérêt de cette paperasse numérique supplémentaire. D’autant qu’il s’agit d’un document Word, à rendre obligatoirement en format Word. Un document modifiable, donc. Qui sert de résumé à sa candidature. Bonjour la sécurité. Il reste quelques progrès à faire dans la gestion des candidatures électroniques.